Le mélange du traditionnel et du moderne
Dès les premières minutes du premier Star Wars (ou le quatrieme volet), le spectateur est interloqué. Ces vaisseaux spatiaux, les missiles utilisés par les vaisseaux de l’Empire, les pistolets-lasers des rebelles, les fusils-lasers des Storm Troopers, les extérieurs noirs et étoilés, les intérieurs blanchâtres, tout ceci appartient à l’imaginaire classique de la science-fiction type Space Opera. En revanche, la coiffure de la princesse Leia, sa robe, la cape de Darth Vader, sa démarche, l’accoutrement d’Obi-Wan Kenobi, l’accent shakespearien d’Alec Guinness, ancrent le film dans un univers traditionnel.
À l’image de sa société, une des plus traditionnelles (respect de la hiérarchie, rôle de la femme, méfiance vis-à-vis de l’étranger…) et modernes (robotique, gadgets, miniaturisation…) à la fois, la science-fiction japonaise n’hésite pas à mêler traditions et modernités, à faire se rencontrer samouraïs du Seizième siècle et soldats modernes. La culture japonaise n’imagine pas le futur comme une évolution cohérente ni comme une dystopie, ou une uchronie (à la Steam Punk), mais comme une progression hétérogène caractérisée par le dualisme.
Star Wars présente les mêmes caractéristiques, mêlant aspects de l’ancien et du moderne ; dans les armes : pistolets laser et sabres-laser, les costumes (Storm Troopers et Jedi), les moyens de transport (vaisseaux spatiaux ultramodernes et montures antiques), les niveaux de développement, l’architecture (Coruscant et les autres)…
Le contexte politique
Le commencement du premier épisode (ou quatrième volet) nous dit : « It is a period of Civil War… », à l’instar des débuts des films de Kurosawa qui situent l’action dans le Japon féodal du Seizième siecle. Derrière le conflit entre l’Empire et les rebelles, le cadre politique de la période Sengoku apparait en filigranne. L’équilibre ancien a été brisé par les velléités conquérantes de certains, gagnés par le démon de la démesure, et le chaos qui s’ensuit amène la guerre entre les différentes factions, le règne de l’injustice caractérisé par les pires calamités (violences, destructions, razzias, rapines etc.).
Dans le Japon ancien, l’Empereur, figure religieuse et symbolique, déléguait le pouvoir politique au Shogun. Le pays tombe dans le chaos quand le Shogun perd le contrôle sur les différents seigneurs, qui passent leur temps à se faire la guerre.
Dans « La guerre des étoiles », l’Empereur est un ancien Jedi devenu un esprit du Mal. Son « Shogun » est son homme des basses œuvres qui cherche à récupérer le contrôle sur les factions rebelles afin d’unifier l’Empire et lui imposer une tyrannie totale.
L’éthique samouraï
Dans les années 80, lorsqu’un fan de science-fiction découvre « La guerre des étoiles » ou « L’Empire contre-attaque », ou « Le retour du Jedi », il est aussitôt frappé par les scènes de combat.
Les combats sont de quatre ordres : combats intergalactiques opposant plusieurs vaisseaux, vaisseaux rebelles contre vaisseaux de l’Empire… ; des combats au pistolet-laser, les plus fréquents ; des combats entre un Jedi ou aspirant Jedi et des ennemis ; mais le plus marquant, ce sont ces scènes solennelles, accompagnées d’un silence musical, où deux hommes en habit de moine s’approchent l’un de l’autre, brandissant des sabres-laser au grésilllement électrique, avant de se battre à la façon de samouraïs sortis des films de Kurosawa. Les combattants manient leurs sabres-laser comme des katanas (sabres japonais de l’époque Edo) ; ils les traitent et les « entretiennent » avec le même respect que des samouraïs du Seizième siècle.
Les Jedis sont inspirés des samouraïs japonais.
L’éthique Jedi s’inspire du bushido (ou voie du guerrier), abusivement appelée éthique samouraï. Le code de vie samouraï emprunte au bouddhisme le stoïcisme, l’abnégation, le respect de toutes choses, de l’univers, de la mort, le rejet des tentations et des pulsions excessives, la célébration de la vie sous toutes ses formes, et il emprunte au Zen la recherche d’harmonie avec l’univers, visible ou non visible (voir plus loin la section sur La Force).
Les sept vertus du bushido sont : droiture, courage, bienveillance, politesse, sincérité, honneur, loyauté. Toutes des vertus que Obi-wan Kenobi et Yoda vont s’efforcer chacun à leur tour d’enseigner au jeune Skywalker. Des vertus que le père de Luke rejettera avant d’embrasser le côté obscur de la Force et de devenir Darth Vader.
Il n’y a pas de Samouraï sans valorisation d’une morale traduite en préceptes. Il n’y a pas de Samouraï sans conformité à un ordre pré-existant : stabilité de l’univers, univers compris comme un équilibre, fratrie, sagesse appliquée aux choses du monde.
Comme les anciens Samouraïs, les Jedis ont besoin d’un maître pour apprendre leur art, d’un sabre (leur bien le plus précieux), d’une éthique dans le combat (même un Jedi déchu comme Darth Vader respecte les règles du combat, à la différence de l’Empereur par exemple), d’une philosophie qui explique l’univers et la réalité sensible dans lequel s’inscrit leur code. La gestuelle et la concentration, la lenteur et la fluidité des gestes des Jedis rappellent les anciens samouraïs japonais. Leur sens du sacrifice invite aussi le parallèle (voir celui d’Obi-Wan Kenobi).
L’équilibre avec l’univers
Cette section est développée dans le chapitre La Force comme principe d’équilibre de l’univers.
La grandeur morale est constitutive de l’ordre des Jedis. Les Jedis sont plus des moines-philosophes qui doivent se battre afin de défendre des intérêts et des valeurs que des samouraïs classiques.
La compréhension et l’acceptation de l’univers, à l’opposé de la volonté de maîtrise occidentale, fondent la relation des Jedis au monde. Sans des valeurs morales, il n’y pas de combat, il n’y a pas d’éthique. L’adresse au sabre-laser est une manifestation de leur Weltanshauung. En cela, le combat au sabre-laser doit être perçu comme une tentative de rétablissement de l’équilibre de l’univers, momentanément perdu. Tout combat aurait ainsi un objectif rédempteur. La défaite de l’autre n’est jamais vue comme une victoire (car le Jedi n’aime pas infliger la douleur ou la mort ; encore une différence avec les Samouraïs, probablement moins hostiles à la violence), mais comme un acte juste et donc nécessaire. Si les référents japonais sont à la source de l’éthique Jedi, la philosophie qui la sous-tend est beaucoup plus d’inspiration bouddhiste ou taoïste, comme ce sera développé plus tard.